Locate, 29 novembre 1844

Mon cher Thierry,

Je vous écris encore tout émue de l'accueil que j'ai trouvé ici et comptant que tout ce qui me touche vous intéresse, comptant aussi que vous aimez les histoires, je vais vous raconter brièvement comment s'est passée la journée d'hier. Je suis arrivée à Pavie à la tombée de la nuit et j'y ai trouvé tous mes fermiers et les employés de ma maison qui m'attendaient. Ils se sont joints à moi, ce qui faisait un cortège de huit voitures, et nous avons pris le chemin de Locate. En passant par les villages à plus d'une lieue, j'ai été saluée par des cris de bienvenue que poussaient les paysans sur le pas de leurs portes, leur petite lampe à la main. Mais plus près de Locate, les villages étaient vides. Tout le monde était à Locate. J'ai aperçu de loin une grande lumière que j'ai attribuée d'abord à la lune qui se levait. Ambroise se trémoussait sur son siège et disait que-ce n'était pas la lune. C'était Locate illuminée à force. Dès les abords, je fus forcée de faire mettre la voiture au pas pour n'écraser personne. C'était sur quoi Ambroise comptait bien, car aussitôt et en passant sous une espèce d'arc de triomphe (nous sommes encore bien Romains), une de ces musiques militaires qui me rendraient quinze ans, si j'en avais quatre-vingts, est venue se mettre devant la voiture et m'a conduite jusqu'au perron. Là, c'est-à-dire dans une grande galerie qui le suit, j'ai trouvé toutes mes écoles rangées en haie, chantant et récitant des vers pour me saluer. Le feu d'artifice a suivi. Puis il m'a fallu parcourir à pied tout le village pour que je visse comment les moindres coins avaient des lampions. Enfin, est venu le souper et pendant tout ce temps la musique jouait toujours. Près de dix mille personnes étaient assemblées dans mon pauvre village qui n'en contient que la cinquième partie. Tout ce monde se promenait dans' mon jardin, dans ma maison, dans le musée des Monnaies et il n'y a pas eu un ivrogne, pas une querelle, pas le plus petit désordre. C'est là, surtout, ce qui me rend fière. Les jeunes garçons m'ont remerciée de ce que je leur donnais de l'instruction, et lorsqu'ils m'ont dit que ces semences porteraient un jour leurs fruits, ils avaient l'air de sentir ce qu'ils disaient. Locate a pris un autre air. Les enfants sont propres et les jeunes gens polis. Je vais maintenant avoir les examens de toutes mes écoles. Puis je m'occuperai de nouveaux plans que le Seigneur bénira peut-être comme il a béni les premiers. Cette lettre est confidentielle, mon cher Thierry. Je ne voudrais pas que l'on me soupçonnât de tirer vanité de ces démonstrations. J'en tire, au contraire, de grandes causes d'humilité. Je me dis que, parmi tout ce monde qui m'accueille, il n'en est que quelques-uns que j'ai obligés. Si la reconnaissance s'étend ainsi et est si vive, que ne pourrait-on pas faire et attendre? Je sens bien, trop bien, que je suis à mille lieues de faire ce que je devrais, J'ai charge de ces âmes qui s'abandonnent à moi avec tant de transport. Dieu m'accorde de ne pas rentrer d'où je suis sortie sans avoir rempli mon devoir ! J'aurais de mauvais comptes à rendre. Et maintenant adieu, mon cher ami. Votre soeur vous met la main sur le front et vous recommande au grand Protecteur universel qui l'a remplacée auprès de vous. --

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Traduzione

Locate, 29 novembre 1844

Mio caro Thierry, Vi scrivo ancora tutta emozionata per l'accoglienza che ho trovato qui e contando che tutto quello che mi tocca vi interessa, contando anche che voi amate le storie, vado a raccontarvi brevemente come è passata la giornata di ieri. Sono arrivata a Pavie al cader della notte ed ho trovato i miei fattori e salariati che mi aspettavano. Si sono aggregati a me, il che faceva un corteo di otto vetture ed abbiamo preso la strada per Locate. Passando per i villaggi a più di una lega, sono stata salutata da grida di benvenuto che lanciavano i paesani sugli usci delle loro porte, la loro piccola lampada alla mano. Ma più vicino a Locate, i villaggi erano vuoti. Tutti erano a Locate. Ho scorto da lontano una grande luce che attribuivo inizialmente alla luna che si levava. Ambrogio si agitava sul suo sedile dicendo che non era la luna. Era Locate illuminata a forza. Inizialmente, fui forzata a far mettere la vettura al passo per non schiacciare nessuno. Era su di me che Ambrogio contava, perché presto passando sotto una specie di arco di tronfo ( noi siamo ancora ben Romani), una di queste musiche militari che mi rendeva quindici anni, se ne avessi avuti ottanta, è venuta a mettersi davanti alla vettura e mi ha condotto fino ai gradini d'ingresso. Là, ovvero in una grande galleria che seguiva, ho trovato tutte le mie scuole, ordinati in fila, cantando e recitando dei versi per salutarmi. I fuochi d'artificio a seguire. Poi mi è dovuto percorrere a piedi tutto il villaggio perché vedessi come in ogni angolo avessere i lampioni. Infine, è arrivata la cena e per tutto questo tempo la musica suonava sempre. Circa diecimila persone erano assembrate nel mio povero villggio che non ne conteneva che la quinta parte. Tutti passeggiavano nel mio giardino, nella mia casa, nel museo delle monete e non c'è stato un ubriaco, una lite, il nessun minimo disordine. E' quello, soprattutto, che mi renda fiera. I giovano ragazzi mi hanno ringraziato dell'istruzione che gli davo, e mentre mi dicevano che queste semenze porteranno i loro frutti, avevano l'aria di sentire quello che dicevano. Locate ha preso un altra aria. I bambini sono puliti ed i giovani gente perbene. Ora farò gli esami in tutte le mie scuole. Poi mi occuperò dei nuovi piani che il Signore benedirà forse come ha benedetto i primi. Questa lettera è confidenziale, mio caro Thierry. Non vorrei che mi si supponesse di vantarmi di queste dimostrazioni. Mi vanto, al contrario, di grandi esempi di umilità. Mi dico che, tra tutti quelli che mi accolgono, non ce n'è che qualcuno che mi è obbligato. Se la riconoscenza si estende così e così viva, cosa non potrei fare e attendermi? Sento bene, troppo bene, che sono a mille leghe dal fare quello che dovrei. Mi carico di queste anime che si abbandonano a me con tanto trasporto. Dio mi accordi di non rientrare da dove sono venuta senza aver compiuto i miei doveri! Avrei dei cattivi conti da rendere. Ed ora addio, mio caro amico. Vostra sorella vi mette la mano sulla fronte e vi raccomanda al grande Protettore universale che l'ha rimpiazzata presso di voi. .. ... ... Vostra devota

Cristina